18/11/2019 00:00Complémentaire santé : de l’intérêt de bien rédiger les décisions unilatérales

Après un contrôle d’une société au titre des années 2012 à 2014, l'URSSAF de Haute Normandie a procédé à un redressement portant sur la mutuelle instaurée au profit de l’ensemble du personnel par décision unilatérale de l’employeur (DUE) en date du 26 février 2010.

Non-respect du caractère collectif et obligatoire

Bien que la DUE ne prévoyait pas d'exception à l'affiliation obligatoire de l'ensemble des salariés présents et à venir, l’URSSAF constate que certains d’entre eux, embauchés après la mise en place du contrat de santé, ne bénéficiaient pas des garanties. Le contrôleur a alors fait valoir que l'exclusion concernant les salariés sous contrat à durée déterminée (CDD) ou les apprentis n'était pas applicable au travers d’une DUE et qu'il en résultait que le caractère collectif du contrat de mutuelle n'était pas respecté.

De son côté, compte tenu de la date de la DUE, l’entreprise a soutenu que le respect du caractère obligatoire devait être analysé pour toute la période sous l'empire des articles L. 242-1 et D. 242-1 du Code de de la sécurité sociale sans faire de distinction entre les périodes antérieures et postérieures au 1er janvier 2014. Selon l’employeur, les cas de dispense ne devaient pas être analysés selon les textes en vigueur au moment où la DUE a été prise et que, sauf à ajouter aux textes en vigueur, il ne saurait être considéré que les dispenses d'adhésion devaient impérativement être prévues dans l'acte juridique.

Pour l’entreprise, le caractère obligatoire du régime avait bien été respecté dans la mesure où les salariés embauchés sur la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013 et n’ayant pas souhaité bénéficier du régime complémentaire, étaient des apprentis et des salariés en CDD, pour la majeure partie d'une durée inférieure à 12 mois, justifiant d'une couverture complémentaire extérieure, et des salariés en contrat à durée indéterminée (CDI) en période d'essai, de sorte qu'il était matériellement impossible de mettre en place ce dispositif à leur profit.

De même, pour la période postérieure au 31 décembre 2013, les salariés ayant demandé une dispense d’adhésion étaient également pour partie des apprentis, des salariés en CDD ou dont le contrat a été rompu pendant la période d'essai et pour partie des salariés en CDI déjà couverts par un autre régime.

Rappel des règles de dispense d’adhésion

Au regard de la législation, de la réglementation et de la doctrine administrative en vigueur au moment des faits, les juges du fond ont rappelé que :

  • Seules les contributions des employeurs aux systèmes de garantie auxquels l'adhésion du salarié est obligatoire peuvent bénéficier de l'exclusion de l'assiette des cotisations de sécurité sociale sous plafond.
  • En cas de mise en place de couverture de prévoyance complémentaire par DUE, la circulaire du 30 janvier 2009 n’admettait qu’une seule exception, celle concernant les salariés déjà présents dans l'entreprise au moment de la mise en place du système et qui refusaient, par écrit, de cotiser à ce régime. Les autres exceptions, concernant notamment les salariés bénéficiaires d'un contrat d'une durée inférieure à 12 mois ou les salariés ayant une couverture de prévoyance complémentaire obligatoire dans le cadre d'un autre emploi ne concernaient que les hypothèses où le régime de prévoyance avait été mis en place autrement que par décision unilatérale de l'employeur.
  • Le décret du 8 juillet 2014, entré en vigueur le 11 juillet 2014, a étendu en cas de DUE, la possibilité de mettre en place des dispenses d'adhésion pour certaines catégories de salariés (CDD, apprentis, temps partiels), en maintenant toutefois l'exigence que ces exceptions aient été prévues dans l'acte juridique.

Absence de mise en conformité de la DUE

Pour la Cour d’appel, il appartient aux employeurs de se mettre en conformité avec la législation applicable de sorte que la société ne peut soutenir que les seuls textes applicables à la cause sont ceux en vigueur au 26 février 2010.

En l'espèce, le régime de santé complémentaire a été mis en place par DUE du 26 février 2010. Par conséquent, jusqu'au 11 juillet 2014, peu importe que l'exception ait été prévue ou non dans l'acte juridique : s'agissant de la période antérieure au 30 juin 2014, seules pouvaient être exonérées de cotisations les contributions de l'employeur au système de garantie mis en place au profit des salariés déjà présents dans l'entreprise ayant manifesté par écrit leur volonté de ne pas y adhérer. Dès lors, le redressement concernant les salariés embauchés après la mise en place de la mutuelle obligatoire est justifié, jugent les magistrats de la Cour d’appel.

Par ailleurs, pour la période au cours de laquelle le décret du 8 juillet 2014 était applicable, le redressement est également justifié dans la mesure où l'acte juridique, n'ayant pas été mis en conformité avec les textes, ne prévoyait pas les exceptions à l'adhésion obligatoire, estime la Cour d’appel.

Cour d'appel de Rouen, 11 septembre 2019, n°RG 18/01175 Cour d'appel de Rouen, 11 septembre 2019, n° 18/01175, Chambre sociale et des affaires de sécurité sociale