21/06/2022 09:00Assurance maladie : la Cour des comptes pointe les fraudes et les mauvais contrôles

relecé de la court des comptes

Le dernier rapport de la Cour des comptes sur la certification des comptes du Régime Général montre que la fréquence des erreurs et leurs incidences financières sur les remboursements des frais de santé évoluent à la hausse sur la période 2021/2020. Les dispositifs de maîtrise des risques de portée financière restent insuffisamment efficaces selon les magistrats de l’institution.

Contrôles internes défectueux

Sur la branche maladie, plus spécifiquement, la Cour estime que les comptes de l’exercice 2021 sont affectés de plusieurs anomalies, dont une partie est liée aux faiblesses du cadre général du contrôle interne de la branche. La question de la lutte contre la fraude est mise en avant. Comme le souligne la Cour des comptes, la Caisse nationale d’assurance maladie (CNAM) a bien engagé un travail d’évaluation mais la démarche n’est encore que partielle. Pour les infirmiers libéraux, la Cnam évalue la fraude entre 286 M€ et 393 M€, selon la méthode d’estimation retenue (soit entre 5 % et 6,9 % des montants remboursés en 2018). Pour la complémentaire santé solidaire, le préjudice serait compris entre 25 M€ et 177 M€, indique le rapport.
Pour les magistrats de la Cour, ces premières estimations confirment la prise en compte insuffisante des risques de fraudes dans la conception actuelle des dispositifs de contrôle interne et de lutte contre les fraudes, notamment le nombre globalement faible de contrôles de toute nature au regard d’indices convergents d’anomalies.

« Alors que les indus frauduleux sont susceptibles de représenter des montants significatifs de charges de prestations, seuls 219 M€ de préjudices financiers ont été détectés en 2021 au titre de fraudes et d’activités fautives, soit 0,1 % des charges de prestations des branches maladie et AT-MP (accident du travail et maladie professionnelle) », précise le rapport.

Liste de plusieurs anomalies

Le rapport de la Cour des comptes recense plusieurs types d’anomalies qui dérangent les magistrats dans leur rôle de certificateur des comptes, à savoir :

Les droits à la protection maladie universelle. Selon les éléments d’analyse produits par la Cnam, malgré les progrès réalisés, il apparait un écart entre le répertoire national inter-régimes des bénéficiaires de l’assurance maladie (RNIAM) et le recensement de la population française par l’INSEE d’environ 2,5 millions d’assurés ne répondant pas ou plus aux conditions d’activité (actuelle ou passée) ou de résidence stable en France propres à la protection maladie universelle (PUMa).

La complémentaire santé solidaire. Il figure dans le rapport que le contrôle interne de l’instruction des demandes d’attribution de la complémentaire santé solidaire se focalise peu sur les risques liés à leur traitement, dans l’attente du déploiement d’outils destinés à fiabiliser le contrôle de la condition de ressources pour pouvoir bénéficier de ce droit et d’un renforcement du référentiel de maîtrise des risques.

La gestion courante des droits des bénéficiaires. Toujours malgré des progrès notables, le risque de prise en charge de prestations de soins non conformes aux droits des bénéficiaires est encore sous évalué. De manière spécifique, cette insuffisance porte sur la situation des assurés titulaires d’un numéro national provisoire (NNP) de l’assurance maladie (près de 180 000 à fin 2021, selon la Cnam), non encore inscrits au répertoire national d'identification des personnes physiques (RNIPP) de l’INSEE, faute de réception des pièces ou de leur conformité permettant de certifier leur identité.

La remise en cause ou la mise à jour de droits aux prestations. Le problème réside principalement dans le défaut de mise à jour de la carte Vitale. Selon des données provisoires, à mi-novembre 2021, près de 64 000 droits étaient ouverts à tort dans la base des CV, non encore mise à jour.

L’aide médicale de l’État. Des incertitudes affectent le montant des charges facturées par l’assurance maladie à l’État au titre de l’aide médicale de l’État (AME), destinée aux ressortissants étrangers résidant de manière stable mais irrégulière sur le territoire national (0,9 Md€ en 2021).

Les erreurs affectant les remboursements de frais de santé facturés directement à l’assurance maladie. Ils sont facturés directement à l’assurance maladie (95,5 Md€) et correspondent, pour l’essentiel, aux règlements par les caisses locales des soins réalisés par les professionnels libéraux de santé conventionnés et une partie des établissements de santé ainsi qu’à des prestations de service rendues par les fournisseurs de dispositifs médicaux, les transporteurs sanitaires et les taxis conventionnés. La facturation directe des frais de santé reste insuffisamment couverte par des contrôles au regard des risques de prise en charge de dépenses injustifiées ou pour des montants inexacts, note le rapport.

Les indus de facturation et les frais restant à la charge des assurés. La possibilité de notifier des indus reste limitée. En effet, les données relatives aux prestations versées ne sont conservées que pendant deux ans dans la base de données SIAM-ERASME, soit une durée plus courte que les trois années du délai de prescription de droit commun de l’action en recouvrement pour les professionnels et les établissements. Par ailleurs, la mise en recouvrement des créances de participations forfaitaires et de franchises (1,0 Md€), en cas de règlement des frais de santé en tiers payant, a été totalement suspendue en 2021 par la Cnam, ce qui concourt à la constatation de pertes sur créances irrécouvrables (0,1 Md€).

La vérification de la conformité des facturations aux prescriptions et aux accords préalables. Sauf exception, l’assurance maladie prend en charge les actes, prestations et biens de santé prescrits par des médecins mais sans vérifier la conformité des facturations à ces prescriptions. Il va falloir attendre des solutions automatisées pour y voir plus clair.

Les erreurs affectant les prestations réglées par les mutuelles pour le compte du régime général. Il y a ici aussi un manque de contrôle souligne le rapport. Ainsi, en l’absence d’un dispositif d’échanges de données, l’assurance maladie ne peut vérifier la prise en compte par les mutuelles délégataires du régime général, des avis rendus par le service médical.

Les rapports qu’établissent les mutuelles sur le contrôle interne applicable aux frais de santé qu’elles règlent pour le compte de l’assurance maladie, et son examen par les auditeurs des CPAM, apportent peu d’éléments probants sur son efficacité, estiment les magistrats de la Cour.

Les erreurs affectant les remboursements d’actes et de séjours facturés par les établissements de santé. Les actes et consultations externes facturés directement par les établissements de santé publics et privés à but non lucratif (2,6 Md€) sont insuffisamment contrôlés, ce qui expose l’assurance maladie à un risque d’inexactitude des montants versés et comptabilisés à ce titre. En outre, des faiblesses affectent l’efficacité des contrôles a posteriori : contrôles manuels des tarifs de rétrocession de médicaments, mise en œuvre partielle des contrôles prescrits sur les forfaits techniques d’imagerie facturés au cours d’un séjour, absence de mise en œuvre du contrôle relatif à la correcte application du tarif de forfait technique réduit, applicable à partir de l’atteinte du seuil de référence sur les appareils d’imagerie. Le rapport pointe aussi des risques significatifs affectant la réalité, l’exhaustivité et l’exactitude des séjours tarifés à l’activité (T2A - tarification à l'activité qui est le mode de financement unique des établissements de santé, publics et privés), valorisés ou facturés par les établissements de santé à l’assurance maladie.

La fraude sociale : un sujet complexe à analyser

Les éléments mentionnés ci-dessus ne concernent que l’assurance maladie. D’une manière générale, la fraude sociale, toutes branches confondues, est bien plus élevée mais difficilement chiffrable. Elle concerne aussi bien les particuliers que les entreprises et se chiffre en milliards d’euros. Par ailleurs, des milliards d’aides sociales ne sont pas non plus distribuées, on nomme cela le non-recours, c’est-à-dire, les aides que les bénéficiaires ne demandent pas.