14/06/2022 09:00La loi de mensualisation n’est pas de la prévoyance

maintien salaire

En matière d’arrêt de travail, garantie légale du maintien de salaire, (dite loi de mensualisation) et régime de prévoyance doivent être distingués. C’est ce que vient de rappeler la Cour de cassation dans son arrêt du 12 mai 2022 (1).

La garantie de maintien de salaire est assurable

Pour mémoire, la loi de « mensualisation » du 19 janvier 1978, oblige l’employeur à maintenir le salaire de ses collaborateurs, en cas d’arrêt maladie, sous certaines conditions. Il s’agit d’une indemnisation légale, à la charge de l’employeur, qui peut être améliorée par conventions ou accords collectifs en termes de montant ou de durée (suppression du délai de carence par exemple). Les montants versés dépendent de l’ancienneté du salarié. Par exemple, pour un salarié dont l’ancienneté est comprise entre 11 ans et 15 ans, le maintien de salaire par l’employeur sera de 90 % de la rémunération brute pendant 50 jours, puis de 66,66 % de la rémunération brute pendant les 50 jours suivants.

L’employeur peut décider d’externaliser son obligation en assurant son obligation de maintien de salaire auprès d’un organisme assureur. Ce contrat en revanche, n’est pas qualifié de contrat de prévoyance comme l’a considéré la Cour de cassation à plusieurs reprises en 2006 (dont Cass. Civ.2, 23 novembre 2006, n° 04-30208).

La Haute juridiction précise que « si le revenu de remplacement que constitue, pour le salarié absent, le maintien du salaire auquel est tenu l'employeur en application de la loi sur la mensualisation ou d'un accord collectif, est assujetti à la CSG et à la CRDS, la prime acquittée par l'employeur dans le cadre d'une assurance souscrite pour garantir le risque d'avoir à financer cette prestation, qui n'a pas pour objet de conférer au salarié un avantage supplémentaire, ne constitue pas une contribution au financement d'un régime de prévoyance instituant des garanties complémentaires au profit des salariés ».

En d’autres termes, le risque couvert auprès d’un assureur n’est pas de la prévoyance mais de la perte pécuniaire, ce qui entraîne un traitement social différent.

Dans son arrêt du 12 mai 2022, la Haute juridiction confirme sa jurisprudence.

Une nécessaire décomposition des primes entre maintien de salaire et prévoyance

L’affaire concerne une entreprise qui avait souscrit plusieurs contrats d’assurance collective en faveur de ses salariés afin de leur garantir leur salaire en cas d’incapacité de travail, au titre de la loi de mensualisation, puis au-delà, dans le cadre d’une garantie de prévoyance instituée par accord collectif. La société ayant exclu de l’assiette de la CSG/CRDS et du forfait social la totalité du financement patronal pour l’ensemble des garanties, l’Urssaf procède à un redressement en reprochant à la société contrôlée « de ne pas préciser la partie de la contribution versée à l'assureur correspondant à une externalisation facultative de son obligation légale de maintien de salaire pour la distinguer de la partie de cette contribution correspondant au financement du système de prévoyance instituée par la convention collective. » Les juges du fond en déduisent que les primes versées par l'employeur ne peuvent pas être considérées comme finançant une opération de prévoyance complémentaire.

L’arrêt est cassé par la Haute juridiction qui considère que la cour d’appel aurait dû « distinguer les contributions de l'employeur finançant l'indemnisation des arrêts de travail de ses salariés résultant de son obligation personnelle légale de maintien du salaire prévue par les articles L. 1226-1 et D. 1226-1 du code du travail, exonérées de CSG et de CRDS, et celles finançant les prestations complémentaires de prévoyance, soumises à la CSG et à la CRDS. »

Il est donc important pour les entreprises qui s’assurent à la fois pour la garantie maintien de salaire et pour des garanties de prévoyance classiques d’arrêt de travail (indemnités journalières) de bien distinguer la part de la prime d’assurance qui correspond à l’une ou à l’autre des garanties. La première (maintien de salaire) n’est pas soumise aux cotisations sociales, ni à la CSG/CRDS, ni au forfait social. La seconde est exonérée des cotisations sociales sous plafond, et est soumise à CSG/CRDS et au forfait social. Une ventilation de la prime est nécessaire.

(1) Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 12 mai 2022, 20-14.607