06/10/2021 09:00Demain tout le monde en maladie longue durée ?

complémentaire santé

Contrats solidaires et responsables, 100 % santé, CSS, taxes covid, les complémentaires santé font l’objet depuis une quinzaine d’années, d’une normalisation de plus en plus poussée. Jusqu’où celle-ci ira-t-elle ? Que faire des complémentaires santé dans un tel environnement ?

Tel un serpent de mer, le sujet est régulièrement mis sur la table. Mais cette fois, la crise Covid est passée par là avec une Sécurité sociale qui a été omniprésente, tout du moins dans l’espace médiatique, même si le coût final de l’opération est énorme (9 milliards pour l’Assurance maladie selon les estimations du printemps dernier).

De la transformation…

Dans son rapport du mois de juin 2021, la Cour des comptes a de son côté, esquissé trois scénarios alternatifs pour les complémentaires santé. Le premier est celui du « bouclier sanitaire » qui consisterait à plafonner les restes à charge après intervention de l’assurance maladie obligatoire. Le deuxième amènerait à un nouveau partage des rôles entre la Sécurité sociale et les complémentaires avec l’assurance maladie obligatoire centrée sur l’hôpital et les paniers de soins sans reste à charge, dans le sillage du 100 % santé et les complémentaires qui seraient orientées sur les paniers libres. Le troisième scénario passerait par une standardisation des offres ou par un recentrage sur les besoins médicaux indispensables. On notera que ce rapport a fortement été critiqué par la Mutualité Française car s’appuyant sur des sources contestables « puisqu’elle reprend les seuls indicateurs, partiels et biaisés, de l’UFC Que Choisir ».

…jusqu’à la suppression.

L’avenir de la complémentaire santé fait aussi couler beaucoup d’encre notamment avec l’avancée des travaux du Haut Conseil pour l’Avenir de l’Assurance maladie (HCAAM). Ce dernier doit prochainement remettre un rapport proposant quatre scénarios pour les complémentaires, à savoir : améliorer leur cadre actuel, instaurer une assurance complémentaire obligatoire sur un panier de soins réglementaire, délier l’intervention de l’Assurance maladie et des complémentaires santé pour les laisser intervenir uniquement sur des garanties surcomplémentaires, ce qui consiste à décroiser les domaines d’intervention de la Sécu et des complémentaires, la mutuelle devenant une assurance “supplémentaire” prenant en charge un panier de soins différent de celui de la Sécu et enfin, supprimer les complémentaires pour aller vers ce que l’on nomme communément « une grande Sécu » qui gérerait tout le système…pour moins cher, ce qui reste évidemment à prouver. Résultat, le régime de l’affection longue durée serait appliqué à tous.

Entre les conclusions du HCAAM et celles de la Cour des comptes, le futur gouvernement et la prochaine majorité parlementaire auront de quoi cogiter. Réduire le champ d’intervention des complémentaires santé en matière de remboursement au profit de la Sécurité sociale, peut, selon certains, amener les complémentaires à être plus libres dans leur activité et les inciter à se démarquer sur tout le champ de la prévention, de l’éducation thérapeutique et des services. Autant de thématiques qui prennent de plus en plus de place dans notre quotidien.

Les entreprises ne veulent pas de précipitation

Pour l’heure rien n’est fait. Et avant de confier la totalité de la prise en charge des remboursements à la Sécurité sociale, quelques mesures comptables s’avèrent nécessaire compte tenu d’un déficit prévu de 30 milliards d’euros pour le budget de la Sécurité sociale 2021. Sans compter que les entreprises ne semblent pas voir d’un bon œil une telle refonte vers un système unique. Dans une étude ELABE menée par un grand groupe de protection sociale, en date du mois d’août 2021, la majorité des dirigeants (56 %) et du grand public (61 %) pense que le bon fonctionnement du système de santé repose sur la complémentarité entre l’Assurance maladie et les complémentaires santé. La coexistence des deux acteurs est indispensable pour 91 % des dirigeants interrogés qui estiment que chacun remplit bien son rôle et est à la hauteur de ses missions : 90% pour l’Assurance maladie et 86% pour les complémentaires santé.

Supprimer la complémentaire santé, c’est aussi restreindre le dialogue social dans l’entreprise entre la direction et les salariés sur des sujets importants relatifs à la qualité de vie au travail, met en avant une société d’actuariat. Un aspect que pointe du doigt l’étude ELABE en précisant que les complémentaires santé ont pleinement investi le champ de la santé en entreprise. Leur double mission d’assureurs santé et d’assureur prévoyance leur procure une vision globale qui leur permet de mieux appréhender les facteurs de risques et d’activer des dispositifs de prévention et d’accompagnement adaptés pour faire diminuer l’absentéisme, notamment. Enfin, l’aide sociale, au cœur des dispositifs proposés par les complémentaires santé, est un formidable outil au service des entreprises pour accompagner leurs salariés en situation de vulnérabilité.

En conclusion, une complémentaire santé cache bien d’autres activités : attention à ne pas tout casser.