15/10/2020 09:00La Covid 19 fait les poches des mutuelles

dessin démarchage assurance

Les pouvoirs publics aiment à répéter que « malgré le coronavirus, il n’y aura pas de hausse d’impôts ». La taxe « Covid », prévue dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2021 sonne donc déjà comme une exception au principe.

Pour la justifier, le gouvernement explique que cette taxe, ou plus exactement cette contribution, sera destinée « aux fins de participation des organismes de complémentaire santé aux coûts engendrés par la gestion de l’épidémie de Covid-19 pris en charge par l’Assurance maladie obligatoire, ayant conduit à une amélioration des résultats financiers des assureurs complémentaires santé du fait de moindres dépenses estimées à plus de 2,2 Md€ ».

Son taux serait fixé à 2,6 % pour l’année 2020 puis ramené à 1,3 % pour 2021 et son assiette serait constituée des cotisations sur les contrats de complémentaire santé. Les montants perçus, de l’ordre de 1,5 Md€ seront directement reversés à la Caisse nationale de l'assurance maladie.

On retiendra que cette taxe est présentée comme étant exceptionnelle. L’avenir le dira. On rappellera aussi que les complémentaires santé supportent déjà une taxe de 14,07% pour les contrats responsables. La taxe amènera donc à une augmentation temporaire de l’ensemble des prélèvements fiscaux de plus de 19 % pour 2020 et de 10 % en 2021. Si l’on ajoute à cela les autres contributions, (CSG/CRDS, Forfait social, forfait patientèle,…), les contrats collectifs d’entreprise sont taxés aux environ de 40 % met en avant une étude menées par les groupes paritaires.

Les dépenses repartent à la hausse.

La précipitation du gouvernement dans ce dossier a de quoi surprendre. Il est vrai que les comptes de l’Assurance maladie ne sont guère enthousiasmants. Selon le PLFSS 2021, le déficit de la branche maladie des régimes obligatoires frôlera les 30 Md€ en 2020, et atteindra les 19 Md€ en 2021 contre 1,5 Md€ pour 2019. Dans ce contexte, le montant de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (ONDAM) est majoré de plus de 10 Md€ pour 2020 (à 215,7 contre 205,6 prévus). Il est envisagé à 224,6 Md€ en 2021, soit 8,9 Md€ de plus que l’ONDAM rectifié de 2020.

En publiant ces chiffres, le gouvernement reconnaît que les dépenses de santé vont progresser au cours des prochains mois. Les mutuelles santé, comme l’assurance maladie y prendront leur part. Une étude du cabinet Mercer du mois de septembre dernier, portant sur les complémentaires santé, montre en effet que l’exercice 2020 sera atypique avec effectivement une baisse globale des prestations versées à court terme, particulièrement marquée pendant la période de confinement, avec un décrochage de 65 % pouvant atteindre 85% à 90% sur l’optique et le dentaire. Mais les experts de Mercer sont catégoriques : dès le déconfinement du mois de mai, « une reprise progressive des dépenses de santé a été observée, avec un effet report manifeste de certains soins qui n’ont pu être réalisés pendant le confinement, notamment en optique et dentaire ». Dès lors, compte tenu de la modélisation de l’effet report qui va s’intensifier après les congés d’été, la baisse des prestations pour 2020 pourrait se réduire aux alentours de 3 % à 5 %.

Au-delà, le cabinet Mercer avertit d’une dégradation probable des comptes, à moyen terme, des régimes frais de santé du fait de la forte augmentation du chômage qui se profile, entraînant une augmentation du nombre de personnes en portabilité, et dégradant donc les résultats techniques des contrats d’assurance.

Cette étude est loin d’être contredite par les faits. En juillet, l’Assurance maladie a indiqué que les dépenses de santé des Français avaient progressé de 6,9% par rapport à juillet 2019. Une hausse particulièrement marquée pour les remboursements d’analyses médicales (+ 31 %) et de 13 % pour les remboursements de soins dans des établissements publics de santé.

Pour l’heure, et en l’absence de visibilité, les assureurs estiment que le non recouvrement des cotisations et primes dû à la crise sanitaire s’élève à 300 millions d’euros.

Le marché de l’assurance santé n’est pas lucratif

La mutualité Française, comme les autres organismes assureurs, veut combattre cette nouvelle taxe, estimant que ce n’est qu’en 2021 que pourront se mesurer les impacts de la crise sanitaire et de la crise économique redoutée. Les mutuelles demandent qu’avant toute nouvelle décision pour 2022, un chiffrage précis soit engagé pour constater la réalité des impacts. Nous estimons, avec nos représentants de la Mutualité française que cette taxe est une mauvaise réponse à une bonne question et qu’il faudra, de toutes les façons, faire appel à d’autres sources de financement en vue d’un retour à l’équilibre. Par ailleurs, comme le rappelle la Mutualité Française, cette contribution constitue une rupture d’égalité devant les charges publiques, dans la mesure où seuls les Français couverts par une assurance maladie complémentaire sont mis à contribution pour financer le régime général de la Sécurité sociale.

Enfin, et les entrepreneurs peuvent le comprendre, une augmentation des taxes sans baisse des prestations, supposerait de consentir un effort sur les marges techniques, ce que votre mutuelle pratique déjà de manière importante. La complémentaire santé évolue dans un monde hyperconcurrentiel, où même certains acteurs internet qui voulaient conquérir le marché sont en train de faire marche arrière.

La taxe Covid, véhicule l’idée que les mutuelles santé évoluent dans un marché lucratif. Ce qui est faux et contribue à l’alimentation du climat de suspicion ambiant. Pour en finir avec les idées reçues, il convient de lire le rapport de la Drees* pour 2019 sur la situation financière des organismes complémentaires santé qui précise que « depuis 2011, les contrats collectifs sont techniquement en moyenne déficitaires ».

*Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques du ministère des solidarités et de la santé.