30/09/2019 09:00Quand le salarié licencié veut abuser de la portabilité en santé-prévoyance

En cas de rupture du contrat de travail, pour un motif autre que la faute lourde, le salarié couvert par un régime de prévoyance- santé au sein de son entreprise peut bénéficier du maintien de ses garanties lorsqu’il quitte l’entreprise. Ce maintien s’effectue à titre gratuit et s’opère pendant une période maximum de 12 mois, sauf si une reprise d’un nouvel emploi intervient entre-temps. Pour bénéficier de cet avantage, l’ex-salarié doit bénéficier d’une prise en charge par l’assurance chômage et avoir ouvert ses droits au titre du régime lorsqu’il était dans l’entreprise, c’est-à-dire ne pas avoir bénéficié d’une dispense d’adhésion.

Il est important de rappeler que l’employeur doit signaler le dispositif de portabilité dans le certificat de travail au moment de la rupture du contrat de travail.
En cas de défaut ou de mauvaise information, certains salariés peuvent flairer la bonne affaire en saisissant les tribunaux en vue d’obtenir des dommages et intérêts. Mais les magistrats ne sont pas forcément dupes de la manœuvre, comme en témoignent plusieurs arrêts d’appel récents.

Pas de préjudice, pas d’indemnisation

Dans une première affaire (Cour d’appel d’Aix en Provence/21 juin 2019), une salariée a fait valoir que son ex-employeur ne l'avait pas informée, lors de leur séparation, de la portabilité des droits à santé et à prévoyance. Elle lui a demandé réparation en soutenant que ce manquement lui avait causé un nécessaire préjudice d'autant plus qu'elle avait été précédemment victime d'un accident du travail. Dans une deuxième affaire (Grenoble 27 juin 2019), un salarié licencié a reproché à son ex-employeur d’avoir résilié sa couverture santé dans le délai de portabilité alors que celle-ci avait été maintenue malgré une erreur de plume de l’organisme gestionnaire sur la date d'échéance du maintien de ses garanties. Dans les deux cas, les plaignants ont été déboutés, les magistrats retenant qu’ils appartient aux salariés licenciés d’établir la réalité et l’étendue du préjudice dont ils sollicitent réparation en cas de manquement de l’employeur à son obligation d’information sur la portabilité des droits.

Pas d’indemnités chômage, pas d’indemnisation

Dans une troisième affaire (Cour d’appel de Versailles, 27 juin 2019), les magistrats ont rappelé les conditions pour pouvoir bénéficier de la portabilité et notamment celle de percevoir les allocations chômages. Pour débouter l’ex-salarié de sa demande de dommage et intérêt pour défaut de continuité de sa mutuelle, la cour a indiqué qu’il n’a produit aucune pièce permettant d'établir qu'il a été pris en charge au titre de l'assurance chômage, de sorte qu'il n’a pas justifié avoir rempli, après le licenciement, les conditions du maintien de la couverture santé prévoyance. Au surplus, il n’a pas démontré qu’il avait supporté des dépenses entrant dans le champ d'application des garanties santé.

Les trois arrêts d’appel s’inscrivent dans la jurisprudence de l’arrêt de la Cour de Cassation du 28 février 2018 qui avait constaté qu’un salarié licencié n'avait pas bénéficié du maintien de ses garanties en matière de prévoyance mais qu’il n'était pas fondé à solliciter la réparation du manquement commis par l'employeur au motif que, « n'étant pas décédé dans la période couverte il ne démontrait pas le préjudice subi en conséquence de ce manquement »...quelle malchance !

A noter : Certains accords prévoient la cessation de la portabilité lorsque le bénéficiaire reprend un emploi. Or, comme l’a rappelé la Commission des accords de retraite et de prévoyance (COMAREP) dans son rapport 2017, l’article L. 911-8 du code de la Sécurité sociale précise que « le maintien des garanties est applicable […] pendant une durée égale à la période d’indemnisation du chômage », ce qui n’exclut pas le bénéfice de la portabilité en cas de reprise d’une activité si celle-ci n’emporte pas la fin de l’indemnisation chômage. Selon un rapport UNEDIC de juin 2018, 42 % des allocataires de l’assurance chômage travaillent.