03/12/2018 08:30Assurance maladie : le droit des frontaliers à cotiser au régime suisse est confirmé

Malgré les textes européens, les accords bilatéraux et les jugements à répétition qui lui donnaient tort, la Caisse primaire d’assurance maladie a refusé pendant des années de radier de la CMU les travailleurs frontaliers français assurés en Suisse.
Les décisions rendues par le tribunal des affaires de sécurité sociale (TASS) de Mulhouse, le 11 octobre 2018, mettent fin à cette double affiliation pour des centaines d’assurés.
Laetitia MARIACCIA, directrice générale de la mutuelle alsacienne SORUAL décrypte ce long contentieux hors norme et revient sur son dénouement.

Les juges du tribunal des affaires de sécurité sociale de Mulhouse viennent de mettre fin aux poursuites de l’Assurance maladie française contre les frontaliers assurés en Suisse. Comment ce long contentieux a-t-il pris naissance ?

régime santé frontalier suissePour comprendre, remontons au 1er juin 2014, date à laquelle les frontaliers travaillant en Suisse perdent la possibilité de s’assurer au 1 er euro en France et doivent choisir entre le régime français d’assurance maladie : la Couverture Maladie Universelle (CMU) et le régime d’assurance maladie suisse : la LAmal.

Rappelons qu’une grande majorité d’entre eux étaient couverts auprès d’assureurs privés français au 1er euro.

Un an après, le 1er juin 2015 les frontaliers qui n’avaient pas encore opéré leur choix, se trouvent dans l’obligation de basculer auprès de la CMU sans savoir qu’ils auraient des difficultés à en sortir. En effet, dès le 23 juillet 2013, la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) avait refusé toute radiation de la CMU. « Une question de philosophie » m’avait répondu, en février 2013, un conseiller parlementaire auprès de la ministre de la santé de l’époque : Marisol Touraine lors d’une action menée afin de sensibiliser les politiques à la situation des travailleurs frontaliers suisses.

Malgré les règlements européens, la note du 1er février 2013 entre la Suisse et l’Union européenne, les décisions et jugements rendus par les tribunaux suisses et français et l’accord bilatéral intervenu le 7 juillet 2016, la CPAM du Haut-Rhin a maintenu jusqu’en 2018, sa position selon laquelle, l’exercice du droit d’option était une affiliation automatique auprès de l’assurance maladie française.

La caisse française a ainsi rejeté les demandes de radiations allant même jusqu’à procéder à la « destruction administrative » des milliers de dossiers et recommandés adressés par les frontaliers tout en les maintenant en recouvrement auprès de l’URSSAF de Franche-Comté.
Entre 2015-2018 plus de 9 000 dossiers se sont ainsi retrouvés en double recouvrement entre la France et la Suisse et sont passés en contentieux auprès des URSSAF. Et cela ne signifiait pas pour autant que les travailleurs étaient couverts.

La CPAM de Haute-Savoie, qui persistait dans cette voie du recouvrement forcé et s’était pourvue en cassation, a vu sa demande rejetée par la Haute juridiction. Ce n’est qu’à la suite de cet arrêt que les CPAM ont commencé à régulariser les dossiers accumulés pendant 4 ans et pour lesquels elles avaient conservé trace des demandes de radiation.

Que faut-il retenir des jugements du TASS du mois d’octobre ?

Afin de régulariser définitivement tous les dossiers en cours, le TASS du Haut-Rhin a tenu une audience extraordinaire au parc-expo de Mulhouse où, pendant 4 jours, du 11 au 14 septembre 2018 il a entendu quelques 200 travailleurs frontaliers.
Le jeudi 11 octobre, le TASS a confirmé le bon droit des frontaliers à cotiser auprès du régime suisse d’assurance maladie, s’ils en avaient fait la demande, et à ne pas subir une double affiliation. Il a notamment rappelé que dans les textes, c’est la Suisse qui a le pouvoir d’affilier ou non le travailleur frontalier, la protection sociale française ne s’applique que si l’intéressé demande et obtient une dérogation des suisses.
Le tribunal a ainsi décidé d’annuler toutes les amendes et mises en demeure et d’indemniser les victimes :

  • Pour la CPAM : 1 050 € par personne
  • Pour les URSSAF : deux fois 750 € selon que les frontaliers aient été « simplement » mis en demeure ou également poursuivis par les huissiers au titre de dommages et intérêts

Ces décisions prises ont été notifiées aux travailleurs concernés.

L’assurance maladie suisse est-elle meilleure que l’assurance maladie française ?

Plusieurs paramètres doivent rentrer en ligne de compte à commencer par la composition familiale.
La LAmal peut être intéressante pour des personnes seules compte tenu du mode de tarification suisse. Pour une famille avec des enfants qui peuvent nécessiter des soins lourds, le système français peut être plus avantageux.