17/02/2020 00:00Annulation des arrêtés d'extension

Clause de recommandation d’organismes assureurs : le Conseil d’Etat annule 5 arrêtés d’extension d’accords de branche

Depuis 2013, les accords de branche en santé-prévoyance, signés entre les partenaires sociaux, peuvent comprendre des clauses de recommandation, et non plus de désignation, d’organismes assureurs dans les accords de branche. Pour mémoire, les clauses de désignation d’organismes assureurs permettaient aux partenaires sociaux de désigner dans un accord de branche un ou plusieurs organismes assureurs chargé(s) de couvrir et gérer le régime de protection sociale complémentaire de prévoyance et / ou santé. Les entreprises de la branche étaient dans la majorité des situations obligées d’adhérer à l’organisme désigné. Les clauses de désignation ont été déclarées inconstitutionnelles.

Les grands principes des clauses de recommandation

le Conseil d’Etat annule 5 arrêtés d’extension d’accords de branche

Pour pouvoir recommander un ou plusieurs assureurs, une mise en concurrence en bonne et due forme doit être organisée par les partenaires sociaux sous forme d’appel d’offres. L’accord, une fois signé, doit être réexaminé au moins tous les cinq ans.

Les organismes assureurs recommandés sont tenus à certaines obligations dont celle d’appliquer un tarif unique et d’offrir des garanties identiques pour les entreprises et les salariés concernés.

Ils doivent aussi prévoir que les garanties collectives présentent « un degré élevé de solidarité comprenant à ce titre des prestations non contributives » (comme par exemple plusieurs formes d’actions sociales ou d’actions de prévention définies réglementairement à l’article R.912-2 du Code de la Sécurité sociale).
L’article R.912-1 du Code de la Sécurité sociale précise, de son côté, que « sont regardés comme présentant un degré élevé de solidarité les accords pour lesquels la part de ce financement est au moins égale à 2 % de la prime ou de la cotisation ».
Quant à l’article R 912-3 du même Code, il donne les conditions de financement, notamment par la création d’un fonds spécifique, et de gestion mutualisée des prestations présentant ce fameux degré élevé de solidarité.

Contentieux autour du financement de 2 %

Le décor ainsi planté allait donner lieu à un contentieux entre les organismes assureurs et les partenaires sociaux.

Juste après l’entrée en vigueur du dispositif sur les clauses de recommandation, plusieurs accords ont été signés, obligeant les entreprises relevant d’une branche, à verser de manière exclusive, la cotisation de 2 % destinée aux prestations à degré élevé de solidarité, à l’organisme recommandé, même par les entreprises ayant choisi de s’assurer auprès d’un autre organisme et ce, avant même la parution du décret autorisant un tel dispositif.

Ces accords ont par la suite été étendus par arrêtés. Considérant que ce type de schéma de financement revient à rétablir de façon déguisée les clauses de désignation « inconstitutionnelles », certains assureurs et leurs représentants (la FFA) ont alors saisi le Conseil d’Etat, en 2016 et en 2017, pour demander l’annulation des arrêtés.

Dans 5 décisions du 17 mars 2017, le Conseil d’Etat a sursis à statuer et renvoyé les parties à poser aux juges judiciaires la question préjudicielle suivante : les accords de branche permettaient-ils aux parties signataires, en l’absence de disposition législative, de prévoir la mutualisation du financement du haut degré de solidarité via un prélèvement de 2 % sur les cotisations versées à l’organisme recommandé, auprès des entreprises qui n’adhèrent pas audit organisme ?

Par cinq jugements du 20 février 2018, le Tribunal de Grande Instance de Paris a donné raison aux assureurs en jugeant qu’à la date de conclusion des différents accords, c’est à dire avant la publication du décret d’application du 9 février 2017 relatif au financement et la gestion des prestations « de solidarité », les clauses de recommandation ne pouvaient être juridiquement valables.
Dans deux arrêts du 9 octobre 2019, la Cour de cassation a cassé les décisions de première instance et a validé le principe selon lequel un accord de branche recommandant un organisme assureur peut obliger les entreprises ne rejoignant pas l’organisme recommandé à verser à ce dernier, la cotisation de 2 % correspondant au financement des prestations non contributives présentant un degré élevé de solidarité.

Le Conseil d’Etat annule les arrêtés d’extension

Les juridictions judiciaires ayant répondu à la question préjudicielle, le Conseil d’Etat a clôturé ces différentes affaires, fin décembre 2019, en tirant les conséquences des décisions du TGI de Paris de février 2018 et de celle de la Cour de cassation d’octobre 2019.

Dans trois arrêts, un du 16 décembre 2019 (n°397134) et deux du 31 décembre 2019 (n°397152 et 397315), le Conseil d’Etat se fonde sur les jugements du TGI de Paris, devenus définitifs faute de pourvois en cassation, et annule les arrêtés d’extension des accords de branche.
Dans un quatrième arrêt du 16 décembre 2019 (n°3960001), le Conseil d’Etat valide la légalité de l’arrêté d’extension mais annule cependant celui-ci dans la mesure où l’accord méconnaissait l’obligation d’appliquer un tarif unique pour toutes les entreprises de la branche en prévoyant une cotisation spécifique pour les entreprises qui rejoignent l’organisme recommandé au-delà d’une certaine date.
Dans un dernier arrêt du 31 décembre 2019 (n°397137), la Haute juridiction annule aussi l’arrêté d’extension en rappelant que le TGI de Paris, avait déclaré que l’absence de clause de réexamen quinquennal entachait l’accord de nullité et que ce jugement avait été confirmé par la Cour de cassation en octobre 2019.

A retenir
Sont ainsi annulés, les arrêtés d’extension portant sur les accords de branche dans les conventions collectives :

  • Des industries et du commerce de la récupération et du recyclage
  • De la librairie
  • Des vins, cidres, jus de fruits, sirops, spiritueux et liqueurs de France
  • Du personnel des administrateurs et des mandataires judiciaires
  • Des entreprises de manutention ferroviaire et travaux connexes